Un mardi soir sur la Terre. Et plus précisément au théâtre de la Pépinière. 20h et des poussières. On a juste le temps d’apercevoir quelques minois célèbres dans l’assistance -preuve que Marc Lavoine dans une distribution attire du beau monde- que les lumières s’éteignent. Un banc comme décor initial, et la magie opère.
Elle, Petit Fille, avec son air paumé mais pas tant que ça et ses doigts bleus transits (non, ce n’est pas une couleur mais une indication de température).
Lui, Grande Monsieur, avec ses boucles d’oreilles et son air de ne plus attendre Grand’chose (non ce n’est pas le nom d’un personnage mais une info sur la tronche du protagoniste). Il ne parviendra pas à ignorer longtemps cette petite voisine qui se rapproche et qui gigote autant qu’elle parle, persuadée au fil des minutes que ses parents ne viendront plus, qu’elle se fait abandonner, là, maintenant. « Ca m’avait traversé la tête dans mes pires cauchemars mais là, en vrai… ça fait drôle ».
Après sa trilogie sur la famille (avec notamment l’excellent Ring) Léonore Confino s’attaque ici au thème du genre et de la quête identitaire, dans un langage intelligent, drôle et très touchant. Le texte parle beaucoup mais jamais trop, posant des mots simples (appelons un poisson un poisson après tout) sur des situations complexes, la sortie de l’enfance, le deuil, l’identité. mais c’est surtout une histoire universelle, asexuée. Parce qu’il s’agit d’une rencontre entre deux être amochés, une gamine « à branchies » et un homme qui prend des coups, une relation d’une grande tendresse entre deux héros rongés par leur vie, qui cherchent juste une bouffée d’oxygène.
Géraldine Martineau est époustouflante. Sa petite voix porte même plus que celle de son partenaire (et pourtant, quelle voix…). Elle navigue parmi les émotions de son personnage avec aisance et maitrise. Face à son ainé, elle met la barre haut. Marc Lavoine, novice sur les planches, est à la hauteur, parfois un peu gauche et maladroit dans son corps, mais après tout, cela sert plutôt le rôle. Il faut dire qu’à l’origine du projet, la lecture avait été faite il y a bien longtemps par un autre acteur bien connu et surtout expérimenté, aussi peut-être est-ce moi qui n’ai pas réussi à totalement oublier la première impression du personnage. Nul doute en tout cas que ces détails de débutant s’effaceront rapidement.
La mise en scène, signée ici encore Catherine Schaub, est minimaliste, laissant ainsi les comédiens occuper l’espace et donner libre cours à leur fantaisie. Quelques beaux tableaux resteront dans vos mémoires, entre une salle de bain à la baignoire fantasmée, un poisson rédempteur au destin mal parti (le pauvre -néanmoins on se persuadera qu’aucun animal n’a été maltraité pendant les répétitions) et des recettes de diners aux soupes lyophilisées et aux Youpichoc.
Ce joli duo (mais combien sont-ils réellement?) saura vous entrainer dans leur aventure, avec quels moments savoureux, -l’imitation de l’engueulade de ses psys de parents mériterait de devenir culte. Une belle respiration sur l’air de notre époque et de ceux qui y naviguent.
Le Poisson Belge, de L. Confino mis en scène C. Schaub, au Théatre de la Pépinière, 7 rue Louis Le Grand, 75002 Paris
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