Ma bloggeuse est une actrice: coulisses de tournage #2

ma femme est une actrice

Coulisses #2: le tournage de série TV

Comme je vous le racontais précédemment, j’ai eu un rôle de guest dans une nouvelle série TV. Remise en contexte: 6h du mat’, en route pour le plateau en banlieue parisienne. Telle une diva sur la Croisette, je descends avec grâce du RER. Suivie par mon assistante personnelle hollywoodienne -ma valise- et mon Bodyguard gratos -le GPS de mon iPhone, j’arrive on time. Aujourd’hui: je gère. Je suis au top. Glamour. Posée. Motivée. La Classe Américaine. Parce qu’aujourd’hui, je tourne.

Un passant matinal me reconnait et crie mon nom du bout de la rue.  Ah non, c’est juste le 1er assistant qui m’appelle, ravi de voir qu’une actrice pas trop en retard, ça existe. Souriante jusqu’au bout des orteils, je distribue des « Bonjours » Grace Kellyesques aux techniciens présents qui se demandent d’où je sors. Pour les scènes en extérieur, les locaux d’une boite d’archi serviront de QG. On me dirige… par le garage, au sous-sol.

« Original, pour mener à la loge maquillage » dis-je à mon guide. (Il parait que Grace Kelly était d’humeur à plaisanter dès le matin). Zéro réaction de mon sherpa. Original mais pratique, puisqu’il faut que je me rende à l’évidence: le hangar la loge HMC, j’y suis déjà.. C’est grand mais dépourvu de source de lumière suffisante, aucune Fenêtre sur Cour, ce qui agace déjà la maquilleuse. Parmi les autres comédiens, un sexagénaire qu’on termine de préparer fulmine. Sur le talkie, la voix du real’ gueule sur un machino. Ambiance… Mais rien n’entachera mon sourire Audrey Hepburnien. Faute d’assises propres, c’est juchée sur ma valise 4 roues -multifonctions, l’assistante!- que j’offre ma Drôle de Frimousse mal réveillée radieuse au maquillage et commence le papotage syndical (Parce que Marylin Monroe l’a bien compris « sur un tournage, faire ton amie la maquilleuse, tu dois »).

-« Et donc vous, vous êtes sur la série depuis..? » Sourire avec les dents, sous-titré Vas-y Madame, talk to me. Re-smile, fossettes en prime.

-« Voilà, c’est bon« . Les pinceaux magiques retombent dans leur étui.

– « … »  (NDA: timing potentiellement non contractuel, mais tu as l’idée, lecteur avide de strass et de paillettes).

MarilynMonroeMakeUp9.previewphoto(8)Capillairement, le réalisateur est un mix entre les cheveux de Starsky et la moustache de Staline. Face à lui en train de faire de la lèche discuter, mon mari pour la journée. Il fait 15 ans de moins que moi. (Ah en fait je suis une cougar?  Et si, lecteur expert en calcul mental, un mec de 15 ans mon cadet, ça donne presque une relation punie par la loi, non mais.)  

« A la fin de la scène, tu pars et tu t’écroules. Tombe comme tu veux, on t’a pas dans le champs » Pas décontenancée -Angélina Jolie aussi fait ses propres cascades-, je me lance.

-« Coupez. » Long silence. Vraiment long… Sept ans de reflexion.

-« C’est bizarre comme tu tombes… Bon c’est pas grave, tu refais exactement pareil. On s’en fout on te voit juste disparaitre du cadre. » Niveau réconfort, il sait parler aux actrices, Starsky. On la refait, deuxième. L’impossible monsieur bébé Mon mari se trompe dans le texte. Une chute pour rien. Coupez. On reprend. Troisième. Chute. Problème au son. Coupez. Cinquième. Chute. Une voiture imprévue. Huitième. Chute. Un nuage a assombri l’image. Onzième. Chute. C’est bon. Scène suivante. La costumière enrage, mon pantalon a drôlement morflé. Regard sur mes escarpins, éraflés. La Comtesse aux pieds nus. Zut, c’etait la paire prêtée par ma pote.

Les scènes se suivent à un rythme soutenu. Et il sait gérer Les Enchainés et son kolkhoz, Staline. Pour tourner 26 min en 2 jours, à peine si on répète avant la prise et qu’on la double après.

-« Silence. Moteur. A…. Ah non attends, on t’a pas donné les derniers changements de texte? » En effet, les auteurs ont fait des modifs la veille, envoyées à toute l’équipe… sauf à l’actrice principale. Le sourire vissé aux lèvres, j’écoute et je m’adapte. Ingrid Bergman aussi était connue pour sa patience.

« Je suis venu en voiture, si tu veux je te redépose en partant, chérie ».

-« … » C’est bien ce qui me semblait, le sexagénaire a amorcé une opération séduction mode Coyote depuis quelques prises. Prise de surdité soudaine, je file tel Bip-Bip en quête d’un café. Mes yeux se posent sur un caddie de supermarché rempli de cakes et autres sodas. Il doit y avoir une erreur, je cherche la table régie, pas à me barrer avec le véhicule d’un SDF pendant que le malheureux doit être en train de faire sa pause pipi. Des figurantes se changent entre deux voitures. Rectif, le SDF est en planque et doit se rincer l’oeil.

Je déteste les exterieurs, c’est vraiment du camping. Léa, sublime plante qui joue mon assistante, extirpe du caddie un thermos et m’offre une madeleine. Breakfast at Tiffany’s. Changées, les figurantes nous rejoignent. Souvenirs soudains d’école de théâtre, dans le schéma 1- Pépette Bimbo (« Moi, j’ai 17 ans, je veux pas passer mon bac, je veux faire actrice ») et schéma 2- Turban autour de la tête, pantalon large en lin et besace en bandouillère (« Moi, j’ai 21 ans, j’ai pas eu mon bac, je serai comédienne »). Schéma 1 me demande comment j’ai décroché le rôle principal. « Une bonne audition« . Regard admiratif les yeux en coeur, l’info était un secret bien gardé. Scène suivante avec Léa, dans un vent à nous déscalper. Nous tentons tant bien que mal de jouer avec naturel. Staline s’énerve.

-« Laissez tomber vos cheveux, arrêtez de faire vos actrices ».

– « O_o » Exit Greta Garbo, la fin de la scène se joue entre le chien Pollux et Cousin Machin. Deux têtes folles.

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Au déjeuner, Schéma 1 exécute un language des signes en bout de table « Je t’ai envoyé une invitation Facebook depuis 10 min, tu n’as toujours pas accepté ». Face à moi, mon petit frère mari me détaille son CV. En fait il est plus vieux que Mathusalem! Chérie, je me sens rajeunir. A l’autre bout, Staline fait le plan de tournage du goulag de demain et le sexagénaire, le Loup signé Tex Avery sur la productrice.

Malgré le rythme, on est en retard. La journée défile en intérieur. Assise à mon bureau, je dois feindre la rédaction d’un mail sur mon smartphone. Pour le contre-champs, Staline entre sa véritable adresse mail. « Tu l’envoies pas vraiment, hein ». Comme j’ai réglé mon téléphone en mode avion, je rédige allègrement des lignes sans aucun sens, anti-sèches et autres trucs débiles. Schéma 1 refait sa zumba, sous-titrée « Tu me passeras ses coordoonées?! » Comment épouser un milliardaire. Scène suivante, je dois guider un landau indirigeable et qui grince. Je m’énerve. « Elle brille » Retouche maquillage. « Et attache lui les cheveux, elle a transpiré ».  Mon corps a du se vaporiser sans m’avertir, parce qu’on parle de moi sans que j’ai l’air d’être dans la pièce. Bacall a donné la réplique à Bogart, et moi, c’est une poussette récalcitrante et un Chuky en plastique  qui me font face. Le port de l’angoisse.

On a oublié un plan en extérieur! Branle bas de combat devant l’immeuble.

-« Tu attends et les regardes passer. Fais simple ». Ok. Ne rien faire, c’est ce que je fais de mieux. Première. « Non, simple ». Troisième. Le sexagénaire bafouille. Sixième. La lumière n’est plus raccord. Dixième. « Siiiimple! ». Quatorzième. Perche dans le champs. Dix-Neuvième. Je termine en m’adossant contre le mur.

« La dernière était bien mais, pourquoi tu as finis en faisant la pute?« 

« ??? » Inspiration. Liz Taylor aussi dégageait une sensualité qu’elle ne maîtrisait pas.

Fin de la journée. Dans le RER, je remets mon téléphone en route. Notification instantanée, « Schéma 1 vous a tagguée » en recouvrant mon mur de photos de la journée. Penser à la remercier pour les gros plans vent dans la tronche. Vos messages ont bien été envoyés. Sic, les mails débiles viennent de partir pour de vrai chez le réal. Sueurs Froides …

By Rohanne



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